ESPACE CONÇU POUR UN VECU HEUREUX

Face à une croissance urbaine exponentielle et face au déficit en logements décents pour les marocains, des pas géants ont été réalisés en matière d’amélioration de leurs cadres de vies.

Eu égard au fait que tout concept nouveau et en l’occurrence celui d’une urbanisation réfléchie est toujours meilleur à mettre exergue à partir d’une page blanche, la politique des villes nouvelles est venue donc à point nommé à plus d’un titre.

En effet au-delà d’accompagner la dynamique du développement territorial par une action anticipée et maitrisés sur les équilibres spatiaux, cette politique des villes nouvelles a aussi et surtout lutté contre l’anarchie des espaces et contre l’habitat insalubre, assuré le respect des exigences règlementaires urbanistiques et architecturales pour un meilleur confort de vie, assuré l’inclusion sociale des bidonvillois, équipé les quartiers en infrastructures de base, doté les quartiers en équipements collectifs de proximité, offert de l’emploi à travers les zones d’activités et les zones industrielles, etc......

Aujourd’hui, après le lancement de cette politique des villes nouvelles satellites, force est de constater qu’elle a été une approche fort intéressante, dans ce sens où elle a proposé un cadre de vie agréable tout en contribuant à dé-densifier les grandes villes.

Pour ne parler que du volet de l’habitat, la valorisation des ces villes nouvelles ayant été confiée en grande partie au secteur privé à travers le partenariat public-privé, plusieurs produits nouveaux d’habitat on y vu le jour :

  • Le logement Faible valeur immobilière totale subventionnée par l’Etat pour éradiquer les bidonvilles,
  • Le logement social 250 000 DHS bénéficiant de mesures incitatives d’exonération fiscales,
  • Le logement moyen-standing répondant aux besoins d’une population marocaine issue d’une classe moyenne augmentant d’une manière exponentielle ;
  • Le logement Haut standing, à faible pourcentage certes, mais présent à cause de la pénurie du foncier dans les métropoles.

 

Face à la pression sociale et à l’urgence de satisfaire un lourd déficit en logements décents, la réflexion a été menée en vue de répondre à différents besoins et surtout à différents pouvoirs d’achat mais à un seul et unique mode vie : le mode de vie marocain résultat d’une culture traditionnelle spécifique ou d’une double culture dans laquelle la tradition est ancrée avec force.

Il est donc logique que ce soit justement ce mode de vie qui dicte la configuration spatiale d’un quartier et d’un logement mais certainement pas l’inverse. Or posons-nous la question : Quelles formes spatiales existent aujourd’hui sous nos cieux urbains ?

Plusieurs heureusement, mais en zone d’habitat collectif, on ne voit que trop, hélas, ces espèces d’immeubles à plusieurs niveaux avec des série de commerces au rez de chaussée lugubres, répétitifs écrasants et donnant sur des voies carrossable à l’échelle du véhicule et non de l’individu, destinataire premier et final de tout acte urbain.

Quelles formes spatiales des cellules logements existent aujourd’hui sous nos cieux ?

Au-delà des tissus spécifiques, traditionnels, touristiques ou autres, souvent il s’agit de F2, F3, F4 etc. destinés à abriter des familles marocaines et où on trouve le sacro-saint salon (batard), chambres, salle de bain, salle d’eau, cuisine et balcon. Aux meilleurs des cas, on trouvera dans le haut standing hors de prix un espace nommé « séjour » et un espace limitrophe de la cuisine nommé « débarrât » qui est destiné au fait à accueillir la personne hébergée à temps plein par la famille pour la seconder dans les travaux domestiques.

Pourquoi s’acharner donc à reproduire d’une manière illimitée des espaces incompatibles avec nos modes de vie, des espaces que l’on s’approprie très mal ou alors qu’on défigure, dans les meilleurs des cas, pour les réadapter à nos besoins ?

Cette incompatibilité est valable quelque soit le standing du produit proposé par les promoteurs, mais est vécue avec acuité pour les logements Faible V.I.T et les logements sociaux pour trois raisons principales :

  • La population cible de ces logements est issue déjà du monde rural ou ayant transité par un bidonville qui s’est développé clandestinement à l’image du mode de vie rural ;
  • La promiscuité, la réduction des espaces et des prestations à des proportions ridicules qui compliquent encore la notion d’adaptabilité.
  • Le pouvoir d’achat de cette catégorie sociale exclu toute possibilité d’investir dans les transformations pour réadaptation.

Donc là, aujourd’hui, il me semble nécessaire de faire un beak et marquer un temps de pause pour justement réfléchir ensemble : usagers, aménageurs développeurs, architectes concepteurs, agences urbaines.....à de nouvelles formes spatiales qui seront à même de répondre en terme d’habitation et d’espaces publics de façon plus ciblée à nos besoins, à notre mode de fonctionnement et à notre mode de vie maroco-marocain.

Pour cela des questions simples s’imposent :

  • Avec l’insécurité qui règne de plus en plus à l’instar de toutes les villes du monde entier, des résidences fermées rehaussant l’esprit d’appartenance à une communauté urbaine ne sont-elles pas plus adaptées à notre mode de vie marocain (rappelant ainsi la notion d’appartenance dans derbs des médinas) et offrant en sus des équipements de proximité, des espaces verts, de l’espace public semi privé, et facilitant la gestion de copropriété ?
  • A l’échelle des cellules logements n’est-il pas le moment de prendre le temps de réfléchir sur des cellules adaptées :

Salon : A-t-on besoin de « salon » ouvert de partout où il est quasi impossible de meubler avec des divans (à la marocaine) ? Des espaces avec pans de murs fermés ne sont-ils pas plus adaptés pur un aménagement intérieur optimal ?

Chambres : A-t-on besoin plusieurs chambres à coucher alors qu’il nous manque terriblement un séjour où toute la famille se réunion pour tout simplement partager la vie ?

Certes des espaces individuels pour se reposer, apprendre, se divertir sans déranger, sont extrêmement nécessaires, mais certainement pas au détriment d’une vie de famille épanouissante ? Je suis sidérée devant la conceptualisation de logements moyens ou hauts standing dans lesquels la superficie n’est pas la plus grande contrainte du projet, mais dans lesquels on trouve 3 ou 4 chambres (parents, enfants, amis) mais aucun espace séjour permettant la rencontre et le partage familial et bannissant la solitude. Ne dis –on pas que « La pire des solitudes est la solitude à plusieurs » ?

Salles de bains : A-t-on besoins de baignoire dans des salles de bain souvent exiguës, alors que nous prenons des douches quotidiennes et allons dans les bains maures hebdomadaires?

Pourquoi ne pas aller jusqu’à concevoir des espaces de douches spécifiques ? Qui a décrété que la douche doit avoir une dimension de 0,80 X 0,80 ou 1m X 1m. ? Un espace douche rectangulaire avec receveur carré + ’’banc’’ où on prendrait le temps de faire le sacro-saint gommage tellement bénéfique et tellement ancré dans nos coutumes, n’est –il pas plus adapté ?

Balcon : Pour qui ? Pourquoi ? Pour mettre étendre le linge, poser la parabole ou ranger la bicyclette de l’ainé et la poussette du petit dernier ? Pourtant nous manquons de terrasses, de cours, de salles à manger, d’espace spécial linge, etc....?

  • Qu’en est –il des espaces communs de rencontres que nous impose notre vie sociale : Salles pour les grandes occasions (mariage, funérailles, baptêmes...), Salles pour la fête d’aid Al Adha, espaces de rencontres des habitants d’une même cité etc... ces espaces qui fait notre identité arabo-musulmane ?

La liste est, hélas, encore très longue mais posons au moins le problème. Il ne s’agit pas ici de changer nos espaces de bout en bout, il s’agit tout simplement d’essayer de répondre progressivement et correctement à quelques questions fondamentales de fonctionnalité, d’adaptabilité et de compatibilité entre espace conçu et espace vécu. Il s’agit ici aussi et surtout d’avoir de nouvelles prises de conscience de base dans le but d’améliorer notre confort, notre aise et notre bonheur. Ceci n’est-il pas au final le but escompté ?

JABRANE Ibtissam Architecte
Article pour la Revue Architecture du Maroc N° 52
Proposé à Mme Salma Zerhouni Architecte

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